LES OPERATIONS MILITAIRES "BENEDICTE" ET "GENEVIEVE"

 

 (Retranscrition de l’article de la revue “Tropiques - Revue des troupes coloniales” N° 300 du 1er Juin 1948)

 

Couverture de la revue Tropiques du 6 juin 1948Nous avons relaté, dans notre précédent numéro, les opérations « Léa » et « Ceinture », qui, en automne 1947, eurent pour résultat de désorganiser, dans la région Backan-Chiem Hoa -Tuyen Quang - Thai Nguyen, le commandement Viet-Minh et ses unités régulières, de détruire ses stocks et son outillage, et de couper, à Cao-Bang, ses voies de ravitaillement avec la Chine. A peu près au même moment, d'autres opérations avaient lieu dans le secteur Nord Ouest ; leur but était d'étendre notre zone d'influence vers l'Est jusqu'au Fleuve Rouge et, en particulier, de fermer la frontière de Chine, en mettant la main sur Lao Kay.

  

Elles débutèrent le 25 septembre 1947 et furent désignées sous les noms d’opération « Geneviève » et d’opération « Bénédictine ».

L’opération « Geneviève » avait pour but de détruire les forces V.M. tenant la région de Chapa Il s'agit de la ville de Sapa Laokay, de s’emparer de cette ville pour fermer ainsi une des portes de ravitaillement des V.M. vers la Chine.

L’opération « Bénédictine » devait détruire les forces V.M. de la Région de Nghia Lo, s’emparer du riche bassin de Yen Bay et, si possible, border le Fleuve Rouge pour en interdire l’emploi par la batellerie V.M.

L'opération « Geneviève » devait être menée par le IIe Bataillon Thai (P.C. Laichau), légèrement diminué par l’obligation de tenir la région de Yao San, face au V.N.Q.D.D., mais renforcé de deux compagnies de partisans, 51e et 54e compagnies.

L’opération « Bénédictine » était confiée au Ier Bataillon Thai réuni dans la Région de Van Yen, aidé de la 52e Compagnie légère de partisans.

La Situation

Que sont ces Bataillons Thais ?

En septembre 1946, pour relever les Troupes de Chine, le Commandement créa le Bataillon autonome Thai à cinq compagnies de F.V. En juillet 1947, cette unité a été dédoublée en Ier et IIe Bataillons Thais, chacun à trois compagnies de F.V. et un commando type anglais de 60 hommes. La proportion des Européens d’encadrement est théoriquement de 200 pour 700 Thais. Pratiquement, elle ne dépassa jamais au combat de 150 a 170 Européens. Les unités Thais ont été recrutées en septembre 1946. Instruites hâtivement sur les positions défensives même, au nord de Sonla, et au contact des V.M. En fait, elles se sont formées au feu de Septembre à Décembre 1946. Encadrés par des gardes Thos et Annamites, les Thais ont mené de janvier à mai 1947 une offensive qui a libéré 6.000 kilomètres carrés de territoire Thai de Sonia à Suyut et Van Yen. Ils s’y sont aguerris et actuellement les tirailleurs Thais rendent de bons services. 

Le Ier Bataillon est plus solide que le IIe parce qu’il est essentiellement formé de Thais noirs, de la région de Dien Bien Phu-Tuan Chau, plus frustes et, partant, plus courageux que les Thais blancs de Laichau qui constituent la majeure partie du IIe Batailon. Le Ier Bataillon s’est constamment battu et a constamment progressé de janvier à juin 1947. De ce fait, il a acquis une emprise morale certaine sur les V.M. Les unités du IIe Bataillon, restées sur la défensive en postes, sont moins entraînées aux opérations offensives. Le IIe Bataillon vient de se constituer, en juillet, et compte dans ses rangs la valeur d’une compagnie de recrues. Quoi qu'il en soit, les Bataillons Thais, faiblement encadrés d’Européens, en partie aguerris, constituent une troupe indigène de valeur non négligeable. Pendant toute la saison des pluies, les unités ont recherché des renseignements sur les Forces V.M. d’en face et, fin septembre, le bilan de ces dernières s’établissait à peu près comme suit :

Au Nord

Dans la région de Laokay, le 117e Régiment, qui s’est appelé d’abord « Régiment de Laokay » (P.C. à Laokay) a un bataillon tenant le col des Nuages - Muong Huin-Baxat et Trinh Tuong — 1 bataillon sur l’axe Binh-Lu-Chapa — 1 bataillon à Laokay. Ce régiment est mixte, thai-annamite.

 Plan de la situation dans le nord-ouest du Vietnam à fin 1947

Au centre

Le 92e Régiment, ancien 2e Régiment (P.G. à Yen Bay), a : 1 bataillon tenant le col des Khau Go à Van Ban et Rao Ha — 1 bataillon à Nghia Lo. (Gia Loi, Tule — 1 bataillon barrant la route Nghia Lo -Yen Bay au sud de Yen Bay et tenant cette ville.

Enfin au Sud

Le 97e Régiment, ex-39e Régiment, vieille connaissance pour les nôtres qui l’ont déjà recontré, constamment battu et. refoulé depuis Sonia, comporte : 1 bataillon Tho, unité particulièrement solide, dans la région de Ran Thay Ha — 1 bataillon barrant la piste allant de Quang Huy à Than Son — 1 bataillon au sud de cette piste. 

Ainsi nos deux bataillons Thais (6 compagnies, 2 commandos, 3 compagnies de partisans) ont en face d’eux trois régiments V.M., soit neuf bataillons. Le Batailion V.M. est à trois compagnies. Son effectif est de 500 à 600 hommes, donc triple de celui d’une de nos compagnies, mais son armement, composé généralement de 6 à 8 F.M., 3 mortiers, est largement inférieur à celui d’une seule de nos compagnies Thais. 

La valeur de ces régiments est diverse. Le meilleur est le 97e, qui a combattu contre nous toute la saison sèche précédente. Il est très aguerri et comporte un solide bataillon Tho. Le 117e Régiment paraît, par contre, plus faible bien que composé de Tho et d’Annamites ; il s’est très peu battu. Le 92e est considéré comme d’une valeur intermédiaire entre le 117e et le 97e.

Le Terrain 

Compris entre le Fleuve Rouge et la Rivière Noire, le terrain peut être divisé en deux parties distinctes : 

  • DE LA FRONTIÈRE DE CHINE A LA LIGNE YEN BAY-VAN YEN 

Au Nord de la ligne de partage des eaux entre Rivière Noire et Fleuve Rouge se dresse une arête montagneuse formant une chaîne élevée culminant au Fan Si Pan (3.142 m.), le plus haut sommet de l’Indochine, dont l’altitude moyenne est de 2 000 à 2.200 mètres. De rares pistes muletières traversent cette chaîne par des cols presque tous élevés. 

Ce sont du Nord au Sud : la /liste de Phong To-Baxat par le col des Nuages (2.100 m.) ; la piste Binh Lu - Chapa (1.500 m.) ; la piste Than Uyen - Vanban par le col des Khau Co (1.200 m.) ; la piste Muonq Cham - Tule par le col du Khao Pha (1.700 m.).

  • A L’EST DE LA LIGNE YEN BAY-VAN YEN 

Cette arête élevée s’interrompt brusquement. Il n’existe plus que des collines dont l’altitude ne dépasse pas 1.200 mètres. Le terrain inclus dans le triangle Yen Bay-Na Phu-Than Son, bien que très tourmenté, est parcouru par de nombreuses pistes et de ce fait est beaucoup plus perméable. A noter qu’une fois passée la ligne de crête, nos troupes doivent trouver un terrain beaucoup moins élevé, perméable et comportant des plaines et bassins fertiles dont les principaux sont ceux de Van Ban et Nghia Lo.

Quelles sont les dimensions de ce champ clos où vont opérer les unités Thais ? Le front de contact, du col des Nuages au bassin de Chan Chuy, a 200 kms à vol d’oiseau ; de la ligne de crête qui jalonne à peu près ce front au Fleuve Rouge, il y a 40 à 60 kms à vol d’oiseau. Donc, front d’attaque très étendu. Pénétration profonde à prévoir.

Le 15 septembre, le long de la ligne de crête, les V.M. tenaient le col des Nuages, le col de Binh Lu, le col de Khao Pha, le pourtour de Quang Huy. Par contre, nous tenions le col des Khau Co. Nous avions l’intention de prendre l’offensive vers la fin de septembre en vue d’attaquer avant l’opération Léa (prévue le 5 octobre! afin de fixer sur notre secteur secondaire l’attention du Commandement V.M.; d’arriver dans les riches bassins de Nghia Lo et Van Ban avant la fin de la récolte de manière à nous emparer de celle-ci et d’en priver les V.M. Mais à la guerre on est deux. Les V.M. nous devancèrent et attaquèrent Than Uyen, avant que nous-mêmes ayons pu lancer notre attaque. 

Le 19, un bataillon V.M. du 92e R.I. débordait le col des Khau Co tenu par deux sections de la 6e Cie, attaquait de nuit puis encerclait le poste de Than Uyen, tenu par le restant de la Compagnie. Après une résistance de quarante-huit heures ce poste réussissait le 22 septembre, grâce à la chasse, à se libérer de l’étreinte des V.M., à refouler ceux-ci dans la montagne, mais le col des Khau Co était perdu car les deux sections d’occupation, encerclées, sans eau et presque sans munitions, s’étaient repliées sur Than Uyen après avoir crevé le cercle V.M. autour d’elles. Ordre était donné de reprendre le col. Renforcé par le Commando 2, la 6e Compagnie réussissait à s’emparer du col le 26 septembre et de Minh Luong deux jours après. Elle tentait d’exploiter son succès sur Van Ban, mais était arrêtée devant cette agglomération. Epuisée, elle s’installait sur la défensive devant Van Ban à partir du 1er octobre. Les pertes atteignaient alors 6 tués et 12 blessés. Mais nous relevions 83 V.M. tués, 6 prisonniers, lit fusils, des grenades et obus de 60 récupérés.

 

Opération Bénédictine

Cette opération n’était pas terminée que déjà était lancée l’opération « Bénédictine ». Le 1er bataillon Thai et la 52e compagnie de partisans étaient opposés aux trois bataillons du 97e Régiment V.M. et à deux bataillons du 92e Régiment V.M.. La manœuvre se déroula en quatre phases :

  •  LA MISE HORS DE COMBAT DU 97" RÉGIMENT V.M.

Le plus dangereux, isolé du futur champ de bataille par l'arc de cercle montagneux sud et sud-est de Nghia Lo. 

Le 20 septembre, la 3e Cie commençait une marche d’approche par la montagne Est de Van Yen ; le 24, elle dispersait à Lang Lap une partie du 192e bataillon du 97e Régiment V.M. et, le 25, bousculait à Laidong la 130e Cie pour venir occuper Thu Cuc sur la piste de Quang Huy-Than Son, ligne de communication du 97e R.I. Le même jour, les 1er et 2e compagnies et le Commando attaquaient, de revers ou de flanc, les unités du 97e R.I. de la Région de Khoue Lang a Khey So. Surprises et battues, les unités V.M. refluaient vers l’est et le sud. Une partie d'entre ellesse heurtaient à Thu Cuc à la 3e Cie. qui les poursuivait en liaison avec la 2e compagnie. Par contre, face à la 1er compagnie et au Commando, le bataillon Tho, la première surprise passée, reculait pas à pas vers le nord. Si bien qu’’au 1er octobre, à l’exception du bataillon Tho, toutes les unités du 97e Régiment V.M. étaient en fuite, complètement désorganisées, vers le nord-est et l’est.

Map 2 Operation Benedictine 1947 Tonkin

  • L’ ATTAQUE DE NGHIA LO

Couvert par la 3e compagnie face à l’est, la 2e compagnie face au nord vers Yen Bay, le reste du bataillon attaque Nghia Lo. Cette agglomération est enlevée le 8 octobre par l’action combinée de la 1er compagnie et du commando attaquant de Bakhe sur Nghia Lo et de la 52e compagnie de partisans, ayant filtré par la montagne de Muong Chen vers Nghia Lo. Puis la 52e enlève Gia Hoi, avec l’aide d’une section de G.I. qui a forcé le col du Kao Pha ; elle occupe Tule le 12 octobre. Les unités du bataillon du 92e Régiment V.M. qui tenaient la région Nghia Lo - Tule sont en fuite vers le nord.

 

  • LE REJET DE TOUTES LES FORCES REBELLES SUR LE FLEUVE ROUGE

Restent encore face à la 2e compagnie le bataillon Tho, toujours solide, et le 1er bataillon du 92e dont les éléments réservés ont quitté Yen Bay pour secourir les unités en retraite. La 2e compagnie est arrêtée par ces unités rebelles le 11 à Khe-Gan et ne peut progresser malgré ses efforts. Elle va piétiner ainsi jusqu’au 16 octobre. Pour faire cesser cette résistance, ordre est donné de déborder Khe-Gan et de prendre les unités V.M. revers en progressant par la piste Nghia Lo - Kien Lao - Yen Bay. Cette action permet d'atteindre le Fleuve Rouge devant Yen Bay le 18 et de saisir un important atelier de chargement de cartouches. Le 16 octobre, le commando et la 52e compagnie de partisans poursuivent, par la vallée de la Ngoi Hut, les éléments V.M. en retraite de Nghia Lo mais ils sont stoppés, le 19, à Lang Lom et obligés de se replier. L'affaire est reprise avec l'aide de la 1er compagnie qui, remontant la vallée du Fleuve Rouge, s’empare de Trai Bue et Dai Phao pendant que la 52e compagnie attaque, à nouveau, en direction de Trai Hut. Devant cette agglomération le Fleuve Rouge est atteint le 29 octobre.

  • LE NETTOYAGE DU TERRAIN OCCUPÉ

Ce nettoyage est alors entrepris dans toute la vallée du Fleuve Rouge entre Lang Khey station et Yen Bay et peut être considéré comme terminé le 10 novembre.

Les populations Thais de Nghia Lo -Tule sont rentrées dès le 12 ; le 15, les marchés ouvrent à nouveau. Par contre, dans la vallée à majorité annamite, les villages restent déserts ou hostiles. La pacification de cette région s’avère difficile. 

L’attaque du 1er bataillon a coûté : 18 tués (dont 2 officiers), 38 blessés. Les pertes rebelles ont été de 102 tués ; 87 prisonniers. De nombreuses armes et munitions ont été prises, 2.500 kms carrés des provinces de Sonia el Nghia Lo ont été libérés des V.M.

 

Opération Geneviève

Plan de l'operation Genevieve fin 1947L’opération « Geneviève » avait pour objectif la conquête de Laokay permettant ainsi de fermer cette porte de ravitaillement du V.M. vers la Chine. Mais il fallait aller vite pour se saisir du pont intact et grâce auquel la main mise sur la ville placée de l’autre côté du Fleuve Rouge se trouverait grandement facilitée.

L’attaque devait débuter par le forcement de l’un des trois passages de la chaîne : le col des Nuages, celui de Binh Im ou le verrou de VanBan.

Pour aller vite, le plus court était le chemin par Binh Lu, Chapa et Laokay, mais c’était aussi le plus fortifié et le mieux tenu (1 bataillon V.M. entre Binh Lu et Chapa). Il fut alors décidé d’attaquer par le col des Nuages, le plus difficile au point de vue du terrain, mais le moins solidement tenu car le bataillon du 117e V.M. de cette région était dispersé du col de Baxat à Trinh Tuong.

Par ailleurs, les postes V.M. de cette région avaient été reconnus patiemment durant les mois précédents par les partisans Meos qui se faisaient fort de nous conduire, sans être vus, sur les flancs ou les arrières des positions V.M. 

L’exécution de la manœuvre s'accomplit en cinq temps :

La percée du Col des Nuages et la marche sur Baxat. Ce fut une suite d’attaques par surprise des V.M., de véritables hécatombes suivies de fuites éperdues. Le col forcé le 7, Muong Hum est pris le 8 et Baxat enlevé le 14 par huit partisans qui mettent en fuite sur le Fleuve Rouge, et vers la Chine, la garnison de quarante hommes qui s’y trouvait.

La manœuvre pour Chapa. La piste de Binh Lu - Chapa ne peut être forcée de front par la 7e compagnie. Pour faire tomber cette résistance et tenter de s’emparer des forces V.M. engagées dans le défilé ouest de Chapa, ordre est donné de lancer une colonne de Muong Hum sur Chapa par la piste Mao de Tayang Ding. Entamée le 15, cette manœuvre échoue en partie ; les V.M. ont le temps de se retirer, les colonnes dont la marche est freinée par les difficultés du terrain ne peuvent anéantir l’adversaire et parviennent seulement à occuper Chapa le 21 octobre.

L'attaque concentrique de Coc Leu et Lao Kay à partir de Baxat et de Chapa. Coc Leu que l'ennemi complètement démoralisé défend mal est enlevé le 26 octobre. Le pont, miné et battu par le feu de deux F.M., est pris intact grâce au courage d'un caporal-chef européen qui le traverse sous le feu. Lao Kay est occupé sans coup férir. 

Le nettoyage de la région de Cam Duong - Van Ban. La 6e compagnie, le 26, s’empare par surprise de Van Ban. Les unités opposées du 92e Régiment V.M., se replient en partie vers Bao Ha, en partie vers Cam Duong où elles sont rejointes par des unités rebelles venant de Chapa.

La 7e compagnie, le commando et la 6e compagnie nettoient alors cette région à partir du 2 novembre et vers le 7, la rive droite du Fleuve Rouge est débarrassée de tout V.M. 

La jonction avec les Nungs et l’exploitation des succès au-delà de Lao Kay. Le dégagement de la tête de pont et la jonction avec les populations Nungs de Muong Khuong sont alors entrepris. La prise de Ban Phiet le 13 novembre permet de réaliser cette liaison ; puis Nungs, partisans et unités régulières poussent en avant pour occuper, au début de décembre, la ligne Coc Pai -Pakha - Coxam -Pholu, dégageant ainsi largement Laokay.

Pour de très faibles pertes (3 européens blessés, 18 tirailleurs ou partisans tués), les résultats ont été extraordinaires. Le bataillon du 117e Régiment, stationné dans la Région de Baxat, a été presque anéanti, les autres très fortement éprouvés, ce qui explique la prise relativement facile de Coc Leu et Laokay ; une centaine de fusils, 1 F.M., 1 lance-grenade et de nombreuses munitions ont été récupérés.

Mais surtout la prise de Lao kay et la jonction de nos forces avec les partisans Nungs constituent un succès remarquable. 

Ainsi, à la suite de ces diverses actions, tout le pays Thai se trouvait libéré des forces VietMinh. Nos troupes, très inférieures en nombre à l'adversaire, avaient fait preuve d’une supériorité tactique et de qualités morales qui leur avait permis de le battre constamment.

Notre méthode de combat, grâce à laquelle nous avions, en un an, occupé 9.000 kms2 de territoire tonkinois, pouvait se résumer ainsi :

— recherche préalable de renseignement : force, emplacement exact des unités V.M, recherche effectuée comme d’habitude par émissaires, interrogatoires de prisonniers, reconnaissances... 

— conception d'un plan d'attaque tendant à couper la ligne de communication des forces rebelles et à l’attaquer par les arrières ou à défaut sur les flancs ; dès le début chercher à coiffer les  P.C. pour accroître le désordre. Ceci est longuement préparé par l’étude des pistes de montagnes non surveillées par les V.M. pouvant permettre de les surprendre. Au besoin, il est créé des pistes nouvelles dans le but d’accéder à leurs flancs ou à leurs arrières.

 — exécution par surprise de l'attaque, la marche d’approche se faisant généralement la nuit par temps de lune pour permettre une progression rapide. Aucun bagage, les munitions sont portées par des coolies. Dès la première mise en déroute de l’adversaire, poursuivre sans répit pour assurer la désorganisation de ses unités. L’attaque est menée suivant la position et la force de l’adversaire, soit par des compagnies isolées agissant dans des actions coordonnées dans le temps et l’espace, soit par groupement de plusieurs compagnies. La poursuite est toujours menée par des compagnies isolées, la désorganisation de l'ennemi permettant toutes les audaces. Le nettoyage de la région suit ensuite avec les partisans et l’aide de la population ralliée.

 Cependant tous les succès obtenus ne l’auraient pas été sans la valeur des exécutants, européens et thais, auxquels nous ne rendrons jamais assez hommage. Depuis plus d’un an, en effet, trois cent cinquante européens, au plus, quoique épuisés à la fin de la précédente saison sèche par cinq mois de combat incessant, luttent sans aucun repos ni distraction, dans un terrain très difficile. La saison des pluies, avec le ralentissement des opérations, ne les a guère reposés ; ils sont pourtant repartis à l’attaque pleins d’ardeur. On a vu des jeunes de vingt ans arriver à l'infirmerie de Sonia au dernier degré de fatigue générale. N’ayant pas voulu quitter leurs unités, ils étaient tombés sur la piste d'épuisement. Quant aux Thais, à peine instruits, ils se sont levés pour libérer leur pays des V.M. et combattent, côte à côte, avec les européens, formant la masse de ces imités dont on vient de relater les victorieuses actions.

 

(D'après un expose fait à Hanoi, le 8 janvier 1948, par le Lt-Colonel Lherinite, Commandant le secteur Nord-Ouest).

 

 

 
 

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