LADALAT, la Mehari Vietnamienne

CITROEN LADALAT - LA PREMIERE VOITURE FABRIQUE AU VIETNAM

Si vous passez devant l’hotel Continantale, juste en face de l’opéra de Ho Chi Minh Ville, vous verrez des lamborghini, Mc Laren ou autresvoiture de luxe recente. Mais si vous avez de la change, vous pourrez aussi admirer des voitures beaucoup plus anciennes qui vous replongeront dans le Saïgon d’antant. Et si vous avez vraiment beaucoup de chance, vous pourrez même  découvrir des modèles unique et très rare comme la Citroën LaDalat.

L'arrivé de Citroën en Indochine

C’est en 1919, année de la création de la marque Citroën, qu’Emile Bainier importateur multimarque devient agent exclusif pour l’Indochine de la marque aux chevrons.  

Il ouvre le premier point de vente Citroën à Saigon et deux ans plus tard, suite au succès rencontré, plusieurs points de ventes voient le jour dans toute l’Indochine. Citroën est alors avec Renault  la marque automobile les plus vendues dans cette colonie Française.  

En 1933, suite à la crise économique, Citroën reprend les droits de distribution pour l’Indochine et ouvre alors les “Garages Citroën” qui deviendront en février 1936, la Société Automobile d’Extrême Orient (SAEO).

En 1957, la DS arrive au Vietnam. Le succès est immédiat et des centaines de commandes sont passées. Malheureusement cette même année, le gouvernement sud vietnamien met en place des quotas d’importation sur les véhicules automobiles. Citroën doit annuler une grande partie de ces commandes et les ventes chutent..

Pour ne rien arranger, quelques années plus tard, en septembre 1966, le gouvernement sud vietnamien, en représailles aux critiques faites par le général de Gaulle lors de son discours de Phnom Penh interdit  toute importation de véhicules depuis la France.

La naissance de Citroën "Ladalat"

autocollant pare briseEn 1968, Jacques Duchemin, le tout nouveau  directeur de la SAEO propose alors au gouvernement sud vietnamien de répondre à une demande locale en construisant une voiture sur place sur une base de 2cv,  Quelques années auparavant, en 1963, un autre Français d’Abidjan avait eu la même idée en créant la Baby Brousse qui devint plus tard la FAF (Facile À Fabriquer, Facile À Financer).

Le projet reçoit le soutien du gouvernement sud vietnamien qui cherche à développer l’industrie automobile dans le pays. Jacques Duchemin obtient alors l’autorisation d’importer les pièces nécessaires à la fabrication d’une voiture locale, mais à une condition. Que ces pièces ne viennent pas de France. 

Ne sachant pas encore comment contourner ce problème, un prototype est quand même mis à l’étude puis construit par les Chantiers et Ateliers Réunis d'Indochine (CARIC). 

Dans le même temps, Jacques Duchemin part pour la France pour rencontrer le directeur général de Citroën, Raymond Rozehnal et lui proposer son projet de construire une Citroën au Vietnam. Nous sommes alors en Mai 68… Le pays est sur le point d’être bloqué et les usines Citroën peuvent fermer d’une heure à l’autre. Il obtient in extremis un rendez-vous de dernière minute avec le grand patron et lui présente son projet. Après seulement une demi-heure d’entretien, il repart avec la bénédiction du big boss. Une chance inespérée vue l’ambiance dans laquelle s'est passée cette entrevue.

Reportage d'époque, sur la fabrication de la Citroën LaDalat

Mais tout n’est pas encore gagné. il reste un gros problème à régler. Comment contourner l’embargo sur l’importation de pièces automobiles provenant de France ? La solution est en Belgique. En effet, Citroën possède une usine à Bruxelle Forest.  Les pièces seront donc tout simplement expédiées depuis cette usine. 

Afin d’obtenir un coût de fabrication abordable, seuls châssis, moteurs, boîtes de vitesse, appareillages électriques, bras de suspension, systèmes de freinage, roues et volant sont importés. Tout le reste sera conçu sur place. Alors qu’il faut 10 m³ pour importer une 2cv, 1 seul m3 suffit pour importer toutes les pièces nécessaires à la fabrication de cette nouvelle Citroën. Jusqu’à 40% des pièces seront fabriquées sur place au Viêtnam.

Il ne reste plus qu’à trouver un nom à cette voiture. Il fallait un nom qui représente le Vietnam, facile à prononcer et à mémoriser pour tous. Et si on l’appelait Dalat ? ou plutôt LaDalat ? Dalat est une ville populaire de tous dans le pays et très réputée pour son climat tempéré et sa douceur de vivre. Ce nom lui va à ravir. LaDalat est née ! 

Les ateliers de la SAEO sont trop petits pour l’assemblage de LaDalat, Citroën rachète donc l’ancienne manufacture de tabac Bastos de 15 600 m² située entre Cholon et Saigon. Les ateliers et les bureaux de la marque y sont transférés. La production peut commencer.

LaDalat, un succès commercial

La première LaDalat est présentée à la presse à Saïgon pour Noël 1969.  Sa ligne est entre la Jeep et la Méhari, sortie en France l’année précédente. Avec sa carrosserie en tôle pliée, elle pèse  650 kg et a une vocation plutôt d’utilitaire, équipée du moteur de 602 cm³ et du châssis 3cv type AK de la 2cv camionnette. Elle présente les mêmes avantages et les mêmes agréments de conduite que sa cousine de métropole.

Les premiers modèles produits sont uniquement découvrables avec 2 portes et 4 places. La roue de secours se trouve sous le capot et le pare-brise est rabattable. 

Son succès est immédiat. Il faut dire qu’elle a de nombreux avantages. Étant la seule voiture fabriquée au Vietnam, elle séduit la population locale. Elle intéresse les familles, les propriétaires de plantations, mais aussi les sociétés de livraison et de transport. C’est le véhicule idéal pour sillonner les pistes et chemins de brousse. De plus, elle est robuste, facile d’entretien et peu onéreuse.  En effet son prix est très compétitif. Lors de sa commercialisation, une LaDalat ne vaut que 242 000 piastres soit 1 210 $us de l’époque ce qui fait aujourd’hui (Avril 2020) environ 8 000 €. A titre de comparaison, cette même année, une Méhari de base (sans option) vaut en France l’équivalent actuel de 8 880 €.

En 1970, 1 300 véhicules sont produits. 

De nombreuses voitures sont transformées par leurs propriétaires pour être adaptées à leurs besoins. C’est ainsi que l’on va voir des LaDalat modifiées en taxi-brousse, camionnette, berline avec toit etc.

Chacun personnalise sa voiture selon l’utilisation qu’il en a. Ceci explique qu’il est pratiquement impossible aujourd’hui de trouver une LaDalat dans son état d’origine, sans parler qu’entre 1975 et le début des années 1990 il est impossible de trouver des pièces détachées. Les réparations se font avec les moyens du bord. Pratiquement toutes les LaDalat encore en circulation aujourd’hui roulent avec des pièces modifiées provenant d’autres voitures.

Les models Ladalat  Source: Magazine Citropolis 1

  Fort de son succès, 3 nouveaux modèles sont ajoutés au catalogue en 1971. En plus de la Safari (le modèle découvrable), on retrouve :

  • Le modèle “T” pour Tourisme. Plutôt destiné aux familles, ce modèle “break” existe en 3 ou 5 portes.
  • Le modèle “R”, non pas pour Rallye, mais plutôt pour Renforcé, supporte des charges bien plus lourdes. Ce modèle était aussi proposé en version pick-up.
  • Le modèle “RN”, en plus d’être renforcé, il est rallongé et peut disposer en option de 2 banquettes face à face sur la partie arrière.

Au fil de la production le design évolue et de nombreuses améliorations sont apportées pour le confort.

Une trentaine d'agents Citroën propose LaDalat à travers le pays. Le modèle “T” (la version break) est le plus vendu.

Dès 1971, l’agent Citroën de la ville de Dalat, Alfred Nicolas, passionné de mécanique a l’idée folle de transformer LaDalat en 4x4. Il persuade Jacques Duchemin de participer à ce projet et le chantier d’un prototype commence. De nombreux essais de fabrication d’un pont arrière avec réducteur sont tentés. Les moyens mis en œuvre sont plus que artisanaux. Mais ils finissent par porter leurs fruits. Et début 1972 les premiers essais de ce prototype montrent les capacités exceptionnelles de franchissement de cette LaDalat 4x4. Elle surclasse les performances de la fameuse Jeep qui est alors le véhicule le plus vendu au Viêtnam.

Le projet d’un nouveau prototype 4x4 “armé ” avec un moteur de Citroën Visa de 652 cm³ et un châssis rallongé et surélevé est alors lancé.

Il est présenté à l’armée américaine qui, étonné par les capacités de cette petite française, passe une commande de plusieurs véhicules. Mais suite aux événements qui suivront, cette commande ne sera jamais livrée. 

Ce concept de 4x4 ne tombera pas pour autant dans l'oubli. Il attire l’attention de Citroën France qui fait rapatrier les éléments mécaniques du prototype 4x4 ainsi qu’une carrosserie de chacun des modèles produits. Ce sont ces éléments qui seront à l’origine de la FAF et de la Méhari 4x4 sortie en France en 1979.

Ce concept de voiture simple de fabrication, économique et facile d’entretien inspirera par la suite de nombreuses marques automobiles à travers le monde.

Entre 1969 et 1974, 3 850 LaDalat seraient sorties des usines Citroën de Saïgon. Après la chute de Saïgon le 1er Avril 1975, environ 200 véhicules supplémentaires auraient été produits avec les pièces restantes en stock. 

Pour la petite histoire, un autre véhicule a été construit au Vietnam par Citroën sur le même principe que LaDalat. Le Bassac, Il s’agit d’un petit camion qui ne sera produit qu'à une douzaine d'exemplaires dont aucun n’a survécu. Ce camion est de nos jours totalement introuvable.

Source: Vietnam Vintage CarsAujourd’hui, il resterait environ 200 LaDalat en circulation au Vietnam. Souvent en mauvais état, elles sont de plus en plus recherchées pour être rénovées. LaDalat est aujourd’hui une fierté nationale, étant la première voiture fabriquée dans le pays.

Il faudra attendre 44 ans pour voir de nouveau une voiture sortir d’une usine Vietnamienne. C’est en septembre 2019 que la marque vietnamienne  Vinfast  commercialise ses premières voitures au Vietnam.

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